Bulletin Vert no 451
mars — avril 2004

Mathématiques et philosophie Une longue histoire Présentation du dossier

Ce qu’ il y a de mieux dans les sciences, de même que la vie
dans les corps organiques, c’est ce qu’elles ont en elles de philosophie.
La science déphilosophée, que reste-t-il ?
De la terre, de l’air et de l’eau.
Novalis

 

Longue histoire, en effet, que celle des relations qu’ont entretenues de tout temps les mathématiques et la philosophie ; histoire faite de fascination réciproque comme de suspicion ou de mépris ; histoire d’une rupture progressive, allant du célèbre « nul n’entre ici s’il n’est géomètre » de Platon, pour qui les mathématiques sont une propédeutique à la philosophie, jusqu’à cette condamnation de la philosophie au silence, par Wittgenstein : « Ne rien dire sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature, donc quelque chose qui n’a rien à voir avec la philosophie  ».

Plus terre à terre, au niveau du quotidien de nos classes, les professeurs de mathématiques auraient quelquefois tendance à juger leurs collègues philosophes comme des bavards incompréhensibles ; les philosophes se considérant eux-mêmes comme les derniers défenseurs de l’humanisme et de la culture, face à des « matheux » de plus en plus envahissants, réduits à l’état de calculateurs froids et sans âme.

Pourtant la présence d’un enseignement de la philosophie dans les classes terminales des lycées (pour combien de temps encore ?), avec une épreuve écrite au baccalauréat, est une caractéristique proprement française. Un tel enseignement est totalement absent dans la plupart des autres pays européens. Alors ne faut-il pas plutôt prendre cette situation comme une chance unique pour renouer « science et conscience », dans un monde hanté par l’éclatement du savoir en cellules hyperspécialisées et hermétiques l’une à l’autre, un savoir perçu comme allant contre l’humain ?

Pour nous, professeurs de mathématiques, cela peut commencer par une simple réflexion sur la matière que nous enseignons ; il peut être bénéfique de « penser » les mathématiques en prenant de la distance, en quelque sorte de l’extérieur ; ce dont nous nous sentons incapables, car trop près, trop plongés quotidiennement dedans ; alors qui, mieux qu’un professeur de philosophie, est à même de nous aider à porter ce regard, à condition qu’il connaisse les mathématiques ? Ce professeur nous l’avons en la personne de Jean-Pierre Cléro. Il enseigne la philosophie à l’université de Rouen, mais connaît bien les mathématiques pour les avoir fréquentées et pratiquées depuis de nombreuses années au sein de la Commission Inter-Irem d’histoire et d’épistémologie des mathématiques, avec de nombreuses contributions (sur Pascal, sur Bayes, sur les nombres complexes). Il nous propose, sous le titre La pensée des mathématiques , quelques réflexions sur les rapports entre mathématiques et philosophie.

Nous pouvons aussi comparer certaines pratiques communes à l’exercice de la philosophie et des mathématiques, telle l’induction. Certes les mathématiques sont réputées être d’abord une science hypothético-déductive. Mais l’article de Robert Vidal : L’induction chez les philosophes et dans la pratique mathématique met en évidence combien l’induction tient une place non négligeable dans la recherche mathématique. Cette place ne peut que se développer aujourd’hui, avec l’utilisation de calculateurs de plus en plus puissants, pour conjecturer et explorer certaines hypothèses, avant d’en chercher une démonstration qui en fasse un théorème. Ce qui montre bien que les mathématiques sont une science vivante, dont les méthodes évoluent avec leur temps. Le regard extérieur des philosophes est là pour nous en rendre conscient. Nous leur lançons un appel pour continuer à alimenter ce dossier et favoriser cette rencontre nécessaire des professeurs de mathématiques et de philosophie.

 

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