Bulletin Vert n°481
mars — avril 2009

Mathématiques, sciences et musique une introduction historique

par Éric Decreux

Éditions Ellipses, 2008
304 pages en 16,5 × 24, ISBN : 978-2-7298-4096-9

 

Un avant-propos rappelle que musique et mathématiques sont deux langages dotés chacun d’une écriture propre, aux règles rigoureuses, et que dans l’une comme dans les autres les nombres jouent un rôle important ; bien des notions mathématiques ont leur équivalent musical : translation/ transposition, congruences/octaves, proportions/intervalles, …

L’introduction générale précise le sujet de l’ouvrage : les rapports de la musique avec les mathématiques, mais aussi avec la physique (acoustique) et la physiologie (fonctionnement de l’oreille).

Les chapitres 1 et 2 dressent l’état des connaissances actuelles sur les ondes sonores : signal périodique dans le temps et dans l’espace. On y présente, de façon détaillée : la théorie des cordes vibrantes ; la perception logarithmique des hauteurs (principe fondamental : un intervalle est un rapport de fréquences), mais aussi des intensités ; l’équation des ondes (équation aux dérivées partielles) ; les phénomènes de battements, de résonance ; la décomposition du son en série de Fourier ; les harmoniques et les partiels ; la caractérisation phonologique des voyelles ; le fonctionnement des amplificateurs et des lecteurs de CD, …

Les chapitres 3 à 5 reprennent de façon chronologique la genèse et l’évolution de ces connaissances : après les Assyriens, on s’attarde chez les Grecs, avec Pythagore et sa gamme, mais aussi Aristoxène de Tarente qui, plus que le précédent, tient compte des sensations ; on rencontre Boèce (VIe siècle), Saint Augustin, Thomas d’Aquin ; on assiste aux lentes naissances de l’écriture musicale et de la polyphonie. À partir de la Renaissance les progrès sont plus rapides, avec la gamme de Zarlino, les écrits de Kepler, Descartes, Gassendi, Mersenne, Galilée. Au siècle des Lumières tout s’accélère avec la création de la science acoustique par Joseph Sauveur, les écrits d’Euler, d’Alembert, Rousseau et surtout Jean-Philippe Rameau, dont les conceptions harmoniques régneront longtemps.

Un chapitre entier est consacré aux travaux de H. von Helmholtz (XIXe siècle), physicien, mathématicien et physiologiste, inventeur de multiples dispositifs expérimentaux, qui confirme la réalité physique de la décomposition de Fourier, et offre une explication du fonctionnement de l’oreille interne. Le XXe verra la mécanisation puis l’informatisation de la musique, les modèles mathématiques de composition (Varèse, Boulez, Xénakis, IRCAM, …).

La conclusion souligne que, concernant la musique (comme ailleurs), les mathématiques, au cours des vingt-cinq siècles qui vont de Pythagore à Xénakis, ont été un formidable outil de description mais pas d’explication.

Une annexe donne une formulation mathématique rigoureuse de certains résultats.

Les deux index des termes physico-mathématiques et des termes musicaux sont en fait des lexiques, qui ne renvoient pas au texte mais donnent une définition (parfois seulement intuitive) des mots cités.

L’ouvrage est complété par des éléments de biographie de plusieurs dizaines de personnages, et une riche bibliographie (89 références) où figure en bonne place la brochure APMEP « Musique et Mathématiques » de B. Parzysz.

Sous l’écriture parfaitement claire et facile de ce livre se cache un monument d’érudition, et d’interdisciplinarité intelligente : musique, mathématiques, physique et histoire, avec un zeste de physiologie, se fondent en une œuvre passionnante, enrichissante, qui apporte nombre de connaissances nouvelles mais aussi unifie et structure les savoirs antérieurs du lecteur.

On pourrait peut-être regretter le centrage quasi-exclusif sur l’aspect harmonique de la musique classique occidentale : les gammes indiennes, chinoises, arabes sont à peine évoquées, de même que les questions de rythme ; aucune allusion à l’art du contrepoint ou du canon, où pourtant des notions mathématiques sont présentes (translations, symétries, …) ; ignorance totale du jazz, qui a pourtant des spécificités dans les progressions harmoniques et les rythmes (phénomène du swing) pouvant faire l’objet de descriptions mathématiques.

Mais la prise en compte de ces questions aurait fait enfler démesurément cet ouvrage, qui, tel qu’il est, doit devenir et rester une référence pour tout individu concerné à la fois par l’art musical et le regard scientifique.

 

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