Preuves sans mots
Exercices de mathématiques visuelles
- 23 septembre 2013 -
par Roger B. Nelsen
Traduction et adaptation : Jean-Marc Lévy-Leblond – Préface : Jean-Paul Delahaye.
Hermann, 2013.
278 pages en 16 x 24. Prix : 27 €
ISBN:978-2-7056-8466-2.
Les deux volumes de l’édition originale américaine
sont parus respectivement en 1993 et
2000 ; J.-M. Lévy-Leblond en a réorganisé le
contenu, et a ajouté des exemples de son cru.
Dans sa préface, J.-P. Delahaye présente la
vogue des « démonstrations sans mots »
comme une saine réaction à la période pendant
laquelle, à la suite de Bourbaki, paraissaient
des livres de géométrie sans la
moindre figure. Il évoque « le plaisir qu’on
éprouve à saisir l’idée démonstrative cachée
dans un dessin », et vante le pouvoir persuasif
de celui-ci ; mais il met fort justement en
garde contre le danger des évidences graphiques,
prenant l’exemple historique du
principe des valeurs intermédiaires (voir Les
démonstrations du théorème fondamental de
l’algèbre, par Jean Dhombres et Carlos
Alvarez, recensé dans cette même rubrique),
et il défend, comme plus rigoureuses et
moins contestables, les preuves avec mots, et
les preuves formelles.
Il est à noter que les « preuves sans mots » ne sont pas uniquement composées de dessins : on y trouve aussi parfois des calculs algébriques.
Le corps de l’ouvrage rassemble pas moins de 233 de ces preuves, réparties en 7 thèmes :
- I. Géométrie et algèbre
- II. Trigonométrie
- III. Géométrie analytique, calcul différentiel et intégral
- IV. Inégalités
- V.Entiers et sommes d’entiers, combinatoire
- VI. Suites et séries
- VII. Algèbre linéaire
- Pour chaque exemple est indiqué son auteur, ainsi que, souvent, l’origine historique de la propriété. Souvent plusieurs preuves, très différentes, concernent une même propriété (13 pour le théorème de Pythagore).
Les dessins, réalisés avec beaucoup de soin et de clarté, sont essentiellement de trois types : figures classiques de géométrie plane (avec ou sans repère), puzzles, et assemblages de cubes, dans l’espace. Ceux du dernier type, fréquents parmi les apports personnels de Roger B. Nelsen, me semblent particulièrement convaincants. Il y a des cas où le dessin n’est guère qu’une illustration, support d’un raisonnement mental qui reste à construire ; d’autres où le passage du cas particulier à la généralisation reste de l’ordre de l’analogie. Mais dans bien des exemples, un esprit un peu entraîné verra directement n objets là ou 6 ou 8 sont dessinés, et arrivera à la conclusion dans toute sa généralité ; un bel exemple est la démonstration de « ln(ab) = ln(a) + ln(b) ».
Certaines des propriétés, peu connues bien qu’intéressantes, enrichiront la culture mathématique du lecteur.
Pédagogiquement, le concept de preuve sans mot est, je pense, à la fois riche et à manier avec précaution : que rétorquer à l’élève qui dit « ça se voit » ? Par contre, un exercice peut consister à rédiger la preuve vue ; un autre, oral, à expliciter celle-ci par des mots et des gestes (« ce triangle a la même hauteur que celui-ci, donc… »). Une bonne proportion des exemples est adaptable aux logiciels de géométrie dynamique, et on peut regretter que ni l’auteur ni le traducteur-adaptateur ne l’aient signalé. Manque aussi un contre exemple, un cas où le dessin induit en erreur, comme la célèbre figure dite « du carré manquant », où une même aire semble avoir des valeurs différentes (cf. par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Parado...).
En conclusion, cet ouvrage est à la fois enrichissant, ludique, et utile.