Bulletin Vert n°502
janvier — février 2013

Une histoire de l’imaginaire mathématique vers le théorème fondamental de l’algèbre
et sa démonstration par Laplace en 1795

par Carlos Alvarez et Jean Dhombres

Hermann, 2011
406 pages en 17 × 24, prix : 38,50 €, ISBN : 978-2-7056-8192-0

 

Ce volume est le premier d’une trilogie qui retracera la longue maturation du théorème, dit aussi de D’Alembert-Gauss, qui, en langage moderne, s’exprime par exemple par « Le corps des nombres complexes est algébriquement clos  » ou encore «  Dans \(\mathbb{C}[X]\), tout polynôme est scindé  ».

Dans le chapitre zéro, en sont recensés pas moins de 19 énoncés, formulés entre 1629 et 1799 par, entre autres, Descartes, Leibniz, Euler, d’Alembert, Laplace, …

Outre une Introduction et ledit Chapitre zéro, l’ouvrage est composé de deux parties :

  • Préparation du théorème
    4 chapitres, consacrés respectivement aux apports de : Descartes, Viète, Wallis/Rolle/Ozanam/De Moivre, Leibniz/Reyneau/les Bernoulli/ Euler.
  • Le théorème fondamental suscite l’invention
    4 chapitres, centrés chacun sur une tentative de démonstration par, respectivement, d’Alembert, Euler, Lagrange, Laplace.

Il est complété par un Dictionnaire biographique (44 rubriques), une Bibliographie (17 pages) et un Index.

Le corps du texte, même s’il comporte quelques indications sur les situations sociales des protagonistes, est essentiellement mathématique ; il décrit l’évolution historique des concepts, des notations et des méthodes ; on y voit des notions se préciser, des problèmes se poser, des défauts d’un auteur être repérés par un autre. une idée forte est la distinction entre racine imaginaire (on peut toujours imaginer…) et nombre complexe, c’est-à-dire de la forme \( a+b\sqrt{-1}\) ; sur le plan des techniques de calcul et de raisonnement, l’accent est mis sur la méthode des coefficients indéterminés et sur les fonctions symétriques des racines.

On assiste ici à la curieuse juxtaposition, par de grands esprits, d’exploits calculatoires et idées de génie avec des cercles vicieux, à la publication par Euler d’une « preuve » qui, reprise aujourd’hui par un étudiant, le ferait à coup sûr échouer à l’examen. On suit pas à pas la lente prise de conscience de l’impossibilité de démontrer le Théorème dans un cadre strictement algébrique, sans le recours à l’analyse via le théorème (ou principe) des valeurs intermédiaires.

La lecture de ce livre est à la portée de quiconque domine le vocabulaire mathématique de base, mais demande néanmoins certains efforts ; je ne suis pas certain que les auteurs aient eu une bonne idée en désignant par un sigle chacun des 46 énoncés de théorèmes ou principes qui interviennent fréquemment (exemple ; PFI = Principe des Facteurs Imaginaires = « Dans tout polynôme réel, les facteurs simples imaginaires sont en nombre pair »), ce qui oblige à autant de retours à leur liste, en début de volume ; le style, surtout au début, est parfois un peu « ampoulé » (« rien d’abord ne se dessine », « nous étonne le fait que … ») ; l’abondance des notes de fin de chapitre (qui ne sont pas que des renvois bibliographiques) et de bas de page nuit aussi à la fluidité de la lecture ; les tableaux à trois colonnes qui ouvrent chaque chapitre ne sont pas tous très clairs ; la rupture de l’ordre chronologique en traitant de Viète après Descartes n’était peut-être pas indispensable ; enfin on relève un nombre appréciable de coquilles, et deux figures fausses (page 84 : angle ECD, et page 109 : \(\alpha = 2\alpha \) ?).

Mais au vu de l’ampleur du projet, de la profondeur du travail de recherche et d’analyse, ces défauts sont minimes, et je ne peux que recommander chaudement ce livre à tous les passionnés d’histoire des mathématiques, ainsi qu’à tous ceux qui pensent qu’un éclairage historique est indispensable pour assimiler pleinement un savoir actuel.

 

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