
Le BGV — année 2025
Éditorial du BGV n°240
Les nouveaux programmes : Ambition et Ambiguïté
Alors bien sûr, ces nouveaux programmes [1] arrivent avant d’avoir évalué les anciens, qui n’avaient cessé de changer depuis 2016. Aucun élève ne les aura d’ailleurs suivis dans leur totalité. Leur mise en œuvre questionne aussi puisque tous les élèves, du cycle 1 au cycle 3, devraient commencer l’année scolaire 2025 avec les nouveaux contenus, qui dépendent pourtant beaucoup les uns des autres. Mais il est nécessaire de creuser davantage.
Il y a de l’ambition dans ce nouveau programme de cycle 3, tant dans le contenu que dans le préambule. De nouvelles notions qui ont un potentiel certain sont introduites. Le préambule offre de nombreuses références à la résolution de problèmes sans restriction de contexte. Une place est faite à l’erreur, aux essais, au débat sur les solutions proposées… Cela nous semble aller dans le bon sens, celui d’une vision des mathématiques qui ne serait pas la recherche de « La Bonne solution » ou du « Bon Schéma » et de la performance. Le propos semble plutôt indiquer l’idée de développer et de mettre en lumière des stratégies de résolution, des capacités d’argumentation, de laisser de la place à la créativité, comme le permettent par exemple les patterns. Il nous semble pertinent aussi que le corps des programmes soit rédigé en conservant le principe des cycles. Cependant, une présentation sur le modèle du cycle 1 permettrait de mettre en perspective la progression sur les trois années, avec des chapeaux communs qui pourraient être plus approfondis, en réduisant les répétitions observées actuellement.
Cependant, de nombreuses ambiguïtés demeurent. Sans formation de grande ampleur, l’application de ces programmes pourrait être à plusieurs vitesses. Les enseignantes et enseignants qui connaissent les enjeux liés à l’acquisition du sens des notions, d’une part, sauront trouver un rythme d’apprentissage permettant de développer les compétences des élèves. D’autres, moins formés, ne trouveront pas le potentiel et le sens derrière les exemples de réussites et risquent de ne lire que des tâches successives déconnectées, loin des objectifs avancés dans le préambule. En termes de modalités d’enseignement, la place de la manipulation semble réduite au profit d’une représentation standardisée. Enfin, la question du travail à la maison et des évaluations nous semble proposer une transformation de l’école élémentaire en petit collège. Il est important que le lieu de l’activité mathématique (et plus globalement le lieu de l’apprentissage scolaire) soit l’école et non la maison pour des questions évidentes d’égalité et de longueur de journées. Le temps de l’apprentissage est à prendre en compte aussi et pour des objets mathématiques nouveaux, il ne nous semble pas nécessaire que les apprentissages soient évalués immédiatement de manière formelle mais qu’il suffirait que l’enseignant ou l’enseignante appréhende les progrès de l’élève dans leur maîtrise.
Ambition donc de réaffirmer la place de la résolution de problème, l’importance de la lutte contre les stéréotypes, les cycles et de faire une place à des notions intéressantes.
Ambiguïté parce que ces ambitions peuvent rester lettre morte si on ne nous donne pas le temps de déployer ces programmes sur plusieurs années, en ménageant des temps de concertation et de formation. Et parce que ces ambitions sont vaines sans les postes d’enseignantes, d’enseignants, d’aides humaines, nécessaires à une mise en œuvre sereine dans des classes dont l’effectif doit être réduit.