Bulletin Vert no 422
septembre — octobre 1999

La DÉMONSTRATION. ÉCRIRE DES MATHÉMATIQUES AU COLLÈGE ET AU LYCÉE.

par six auteurs, sous la direction de Jean Houdebine.

Éd. HACHETTE-Éducation (fin 1998).

240 Pages en 13,8 x 22,5, très bien présentées.
Bibliographie au fil des pages.

Pas d’index.

No ISBN : 2-01-170514-2.

 

« La démonstration est d’abord un texte » : telle est l’idée centrale, souvent répétée.

De quoi, pour moi, craindre le pire : une focalisation exclusive sur une structure et une formalisation de la rédaction, oublieuse de tout ce qui y conduit et motive l’effort (analyses, recherche d’exemples et de conjectures, essais, …).

Eh bien non ! par le biais de textes « de démonstration », les auteurs étudient des démarches, des méthodes et se penchent sur l’activité mathématique en général.

De même pour les divers modes d’apprentissage de la démonstration, traités parfois (déductogrammes) de façon fort critique.

L’ouvrage comporte quatre parties, appuyées, au fur et à mesure, sur 117 « fiches » (textes d’élèves, observations, propositions à discuter, …) :

  • les structures des textes de démonstration,
  • des outils pour l’analyse et le diagnostic,
  • éléments pour une stratégie d’enseignement,
  • pourquoi faire écrire des textes de démonstration.

Une énigme : les auteurs notent bien que l’apprentissage de la démonstration doit être progressif ; dans cette optique, les programmes prévoient, depuis 1985, cette progressivité dès la Sixième, en une continuité tout au long du Collège et du Lycée ; or, dans ce livre, on commence toujours en Quatrième. L’état d’esprit d’ante 1985 a la vie dure…

De même, en plus de références diverses, les auteurs auraient-ils pu enrichir leurs méthodes de démonstration en puisant dans la brochure APMEP sur la classe de Seconde n° 79 (cf. chapitres sur « Les démarches fondamentales » et sur les divers moments d’une activité mathématique) ou, tout au moins, la citer.

Cela dit, on trouvera ici pas mal de sujets de réflexion avec des remarques fort bienvenues, par exemple (le livre en fourmille) :

  • une mise en garde : « Penser que les démonstrations se réduisent à des pas de démonstration articulés entre eux conduit à bien des erreurs »,
  • un constat à propos de « démonstrations-modèles » d’enseignants : « La diversité des productions obtenues est assez surprenante. On est encore plus surpris par la vigueur des jugements [peu amènes !] portés par les uns sur les démonstrations des autres ». Donc il s’agit, vis-à-vis des élèves, « de se montrer très tolérant sur les textes de démonstration qui peuvent être acceptés ». D’autant qu’« il n’est pas question d’imposer une présentation figée, car il faut armer les élèves devant la diversité des situations qu’ils rencontreront ». Un sous-titre parle « d’éviter les textes stéréotypés ».

Ce qui n’empêche pas de voir surgir « une démonstration presque parfaite » (j’en ai eu un rude désir de « la parfaire ») à propos d’ailleurs d’un problème où, des quatre démonstrations retenues, aucune n’est l’expression directe de l’essence même de la figure étudiée (une symétrie centrale).

Et, page 216, si le haut de la page veut, pour aider les élèves de façon « importante », « séparer la phase heuristique de la phase déductive », le bas explique que l’intersection des deux est sans doute bénéfique… [ce que je crois !].

Auparavant, la page 76 disait d’ailleurs que « résoudre et rédiger sont deux aspects complémentaires de l’activité mathématique » alors que, plus profondément, ils sont imbriqués avec un va-et-vient dialectique entre recherche et mise au clair, pour « convaincre » - souvent se convaincre – ou « éclairer », par texte, dessin ou schéma...

Ces dernières possibilités ne sont qu’évoquées : selon une conception qui ne fait pas l’unanimité, les auteurs distinguent « démonstration » (au sens restreint d’un texte régi par des codes) et « preuve ».

Treize pages concernent des logiciels : « Premier pas », Menthoniez, Chypre, Cabri-Euclide et surtout le rennais « Défi » conçu en 1988 par l’un des auteurs de la brochure.

L’ouvrage pousse à la conception « d’activités qui conduisent à un vrai débat autour du problème rencontré » et à des méthodes encore trop peu pratiquées comme les « narrations de recherche »… Mais les énoncés proposés ne sont-ils pas trop unilatéralement du style fermé « Démontrer que … » ?

J’ai noté quelques lapsus : « Willis » au lieu de « Wiles », « la suite des nombres premiers est limitée » …, pas beaucoup.

Je conclus, pour cette brochure, qu’elle me semble, par delà quelques regrets, devoir être recommandée pour sa pertinence d’ensemble et son panorama [les auteurs ont choisi la plupart de leurs exemples au niveau Collège, la brochure est donc d’accès facile].

Mais je voudrais aussi insister sur une magistrale étude d’Évelyne Barbin, souvent citée dans l’ouvrage, parue dans le Bulletin APMEP n°366 de décembre 1988, sous le titre « La démonstration mathématique : significations épistémologiques et questions didactiques ». En voici quelques citations (en troisième lieu, sa conclusion) :

  • « La démonstration a connu historiquement plusieurs significations, et il est important que les enseignants sachent que la notion de démonstration n’est pas un absolu ».
  • « on peut être convaincu par une démonstration sans en saisir le sens, et ce tant que l’on ne l’aura pas produite soi-même ».
  • « Concernant l’apprentissage de la démonstration, la question posée à l’élève ne serait pas « comment démontres-tu ce résultat ? », mais « comment es-tu parvenu à cette démonstration ? »

[N.D.L.R. : cela exclut les soi-disant « problèmes » en marches d’escalier directives…] ? Ce travail serait la première étape d’un travail d’explication des méthodes, puis de perfectionnement des méthodes de démonstration [à partir, éventuellement, de confrontations des méthodes produites par les élèves]. La méthodologie consiste en cette réflexion sur les méthodes. Étape par étape, on arriverait à une méthode subtile de démonstration qui est le raisonnement déductif. La construction de la rationalité de l’élève n’est-elle pas prioritaire dans l’enseignement des mathématiques ? ».

Enfin, je rappelle deux articles récents du Bulletin APMEP n° 421 (mars-avril 1999), p. 167 à 188 :

  • Démonstration et argumentation, par Denise Haugazeau,
  • Démonstration automatique en géométrie : une approche par la géométrie analytique, par Jean Mainguené et Marie-Françoise Roy.

Le premier est une salutaire comparaison, le second est résolument novateur (méthode de Wu, …).

 

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