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Le calcul mental, outil de motivation en ZEP ou le calcul mental, volcan éteint ?

Michel Lacage [1]

Le calcul mental peut-il inciter les élèves à entrer dans une activité mathématique et
permet-il de réinvestir les notions étudiées tout au long de l’année ?
Comment amener les élèves d’une classe à prendre plaisir dans la pratique du calcul
mental ?

1. Enjeux de l’enseignement du calcul mental dans les instructions officielles

1.1. Programmes de l’école primaire de 1909

Les exercices de calcul mental figureront à l’emploi du temps et ne devront pas être
sacrifiés à des occupations considérées comme plus importantes : aussi bien les
avantages du calcul mental ne se bornent pas aux services qu’il rend chaque jour à
celui qui s’est familiarisé avec sa pratique ; il constitue une excellente gymnastique
pour l’assouplissement et l’adresse de l’esprit aux prises avec les questions
mathématiques.

1.2. Commentaires des Programmes de l’école primaire de 1970

Il est essentiel, et cela à tous les niveaux, que les élèves calculent mentalement et par
écrit avec aisance et sûreté [...]. La valeur éducative des exercices de calcul mental
réside tout autant dans la manière de conduire le calcul que dans sa rapidité.

1.3. Documents d’application des programmes de l’école primaire de 2002

Automatisé ou réfléchi, le calcul mental doit occuper la place principale à l’école
élémentaire.
[...] Une bonne maîtrise de celui-ci est indispensable pour les besoins de la vie
quotidienne (résultat exact ou ordre de grandeur).
[...] Elle est nécessaire également à une bonne compréhension de certaines notions
mathématiques (traitements relatifs à la proportionnalité, compréhension du calcul
sur les nombres relatifs ou sur les fractions au collège…).
[...] Une pratique régulière du calcul mental réfléchi permet de familiariser les
élèves avec les nombres et d’approcher (en situation) certaines propriétés des
opérations.

1.4. Projets de programmes du collège 2005

Les programmes distinguent trois modes de calcul : le calcul posé, le calcul mental
et le calcul instrumenté.
La notion de nombre est progressivement acquise tout au long de la scolarité par la
pratique conjointe de ces trois modes de calcul.
[...] Calcul mental : il est une façon spécifique de lier calcul et raisonnement.
[...] Le calcul mental se travaille, se réfléchit, se raisonne. Les procédures de calcul
sont souvent multiples : leur usage répété un grand nombre de fois sur des exemples
numériques ainsi que le choix de la plus opportune d’entre elles contribuent à
préparer l’élève à des tâches de calcul raisonné plus complexes. La comparaison des
procédures utilisées sur des exemples numériques prépare les élèves aux propriétés
des opérations (commutativité, distributivité) en vue du calcul algébrique. Le calcul
mental est aussi un moyen de contrôle et d’anticipation, ainsi qu’une aide à la
résolution de problèmes.

1.5. Documents d’application des programmes de l’école primaire 2002

1.5.1. Calcul mental, calcul pensé, calcul réfléchi :
On peut être tenté d’opposer le calcul mental au calcul écrit ou instrumenté. Mais
parler de calcul mental ne signifie pas que tout se passe sans écrire.
Ce qu’on désigne sous le terme de calcul écrit (« l’opération posée ») requiert la
connaissance des tables et la gestion des retenues, donc du calcul mental. Il ne
dispense donc pas de calculer mentalement, bien au contraire.
Il importe clairement que les techniques écrites s’appuient sur une pratique du calcul
mental déjà bien installée.
Le propre du « calcul automatisé », qu’il s’agisse de l’emploi d’une calculette ou
d’un algorithme appliqué avec papier et crayon, est de délaisser l’intuition des
nombres, l’ordre de grandeur ; il met en oeuvre un algorithme uniforme sur des
chiffres et c’est précisément le noeud de son efficacité.
Le calcul mental nécessite, au contraire, une intuition des nombres (qui s’affine avec
l’entraînement) ainsi qu’une part d’initiative et de choix. Il opère sur des nombres et
permet d’enraciner l’ordre de grandeur, le sens des opérations et leurs propriétés
(commutativité, associativité, distributivité).
L’expression de « calcul mental », signifie qu’entre l’énoncé du problème et l’énoncé
du résultat, on renonce à utiliser toute opération posée (technique opératoire
usuelle). Cela n’implique pas qu’aucun support écrit ne puisse intervenir dans la
consigne, dans la formulation du résultat voire même dans le cours du calcul.

1.5.2. Rôle du calcul mental dans les apprentissages mathématiques :
Dans les apprentissages mathématiques, le calcul mental joue un rôle important
pour la compréhension et la maîtrise des notions enseignées.
Cinq pistes peuvent être distinguées :
 le calcul mental permet aux élèves de construire et de renforcer leurs
premières connaissances relatives à la structuration arithmétique des
nombres entiers naturels
.
 la pratique du calcul réfléchi s’appuie, le plus souvent implicitement, sur les
propriétés des opérations et, en retour, en assure une première
compréhension.
 les premiers maniements des notions mathématiques (ceux qui en permettent
la compréhension initiale) sont le plus souvent fondés sur le recours au calcul
mental.
 le calcul réfléchi nécessite l’élaboration de procédures originales et, par là,
contribue au développement des capacités de raisonnement des élèves.
 le calcul mental apporte souvent une aide à la résolution de problèmes, en
permettant de ramener un problème à un champ numérique dans lequel les
opérations deviennent plus familières.

2. Mise en œuvre dans les classes (le volcan en activité)

2.1. Objectifs

Créer une dynamique « cours de maths ».
Au collège ou au lycée, les élèves quittent leur enseignant de français (ou d’anglais,
d’EPS, …) et arrivent dans la salle de l’enseignant de mathématiques. Ils s’installent,
pendant que l’enseignant procède à quelques « formalités » : appel des élèves, etc.
Ces quelques minutes vont être utilisées pour créer un rituel, qui mettra les élèves
dans l’ambiance du cours de maths.
À l’école élémentaire, s’il n’y a pas de changement d’enseignant ou de salle, ce rituel
permettra cependant de bien marquer l’activité « mathématiques ».
Amener les élèves à prendre plaisir dans la pratique du calcul mental.
Chaque élève peut rentrer dans ce type d’activité, perçue comme un défi.
Réinvestir des notions de calcul numérique.
Les élèves sont mis en confiance, car ils travaillent dans un cadre connu, sur des
notions déjà étudiées, même si l’enseignant traite un chapitre complètement différent
durant le reste de l’heure.
Préparer une activité mathématique sur le long terme.
L’enseignant peut amener les élèves à établir le lien entre deux notions séparées dans
le temps et anticiper une activité ou un cours. La pratique répétée du calcul
numérique prépare au calcul littéral.
2.2. Modalités
Un contrat est établi en début d’année avec les élèves, leur précisant qu’ils doivent
commencer leur activité de calcul mental de manière autonome, dès leur entrée en
classe.
Les séquences durent environ cinq minutes.
2.3. Analyse a posteriori
Les élèves sont motivés par des enjeux du type : « obtenir les nombres difficiles à
trouver ». « ce problème a-t-il une solution ? », « trouver une stratégie »

3. Des situations

3.1. La planète Playball

Sur la planète Playball, les habitants disposent uniquement des chiffres « 1 », « 2 »,
« 3 », « 4 » et des quatre opérations.
Vous êtes des professeurs de mathématiques et vous devez apprendre les nombres
entiers aux habitants de cette planète.
Jusqu’à quel nombre pouvez-vous aller ?
Variantes :
 Chaque opération est utilisée au maximum une fois.
 On peut également utiliser les parenthèses.
 On utilise au maximum 4 opérations et les parenthèses.
 Chacun des chiffres ne peut être utilisé qu’une fois au maximum.
 On peut modifier les chiffres de départ.
Suggestions de niveaux :
Du cycle 2 du primaire à la fin du cycle central du collège.
Remarques :
 Dès que les élèves ont compris que l’on pouvait obtenir tous les entiers en
additionnant « 1 » à lui-même un certain nombre de fois (ils n’y pensent pas
forcément au début), il faut ajouter une contrainte.
 Certains nombres sont plus faciles à obtenir que d’autres ; il n’y a d’ailleurs pas
forcément de solution si l’on ajoute une contrainte.
 Évidemment, l’enseignant sait qu’il opère sur les nombres « 1 », « 2 », « 3 », « 4 »
et non pas sur les chiffres…

3.2. Décompositions d’un nombre

Un nombre étant choisi au hasard, trouver sept manières différentes de le
décomposer.
Variantes :
Trouver sept manières différentes de le décomposer, en utilisant :
 au moins deux opérations.
 une division et une soustraction.
 au moins une écriture fractionnaire.
 des parenthèses.
 quatre additions. De plus, le nombre (−11) doit être présent dans les calculs.
Suggestions de niveaux :
Du cycle 2 du primaire à la fin du cycle central du collège

3.3. Les opérations effacées

Dans le calcul suivant, les opérations ont été effacées. Pouvez-vous les retrouver ?
Cherchez toutes les solutions.
4 … 3 … 2 = 14
Suggestions de niveaux :
Du cycle 2 du primaire à la fin du cycle central du collège

3.4. Le jeu de Bézout

Pouvez-vous trouver les nombres manquants pour que l’égalité suivante soit vraie :
3 × … + 7 × … = 16
Variantes :
3 × … + 7 × … = 1
4 × … + 18 × … = 49
3 × … + 15 × … = 28
4 × … + 18 × … = 2
Suggestions de niveaux :
Du cycle 3 du primaire à la Terminale.
Remarques :
Suivant le niveau, on pourra solliciter des réponses entières ou fractionnaires (dans
ce dernier cas, éviter d’appeler ce jeu « jeu de Bézout »).

 Certaines suites d’opérations n’admettent évidemment pas de solutions entières.
 Dans la variante « réponses fractionnaires », les objectifs notionnels ne sont
évidemment pas les mêmes. Exemple :
 Dans l’écriture « 3 × … + 7 × … = 1 », \( 3x\frac{1}{3}+7x0=1\) permet un
réinvestissement du produit d’un nombre par une fraction dès la Sixième.
 Dans la variante « réponses entières », lorsque aucune réponse n’est trouvée, il
est intéressant de poser aux élèves la question « avez-vous suffisamment
cherché ? » et de relancer la recherche au moins une fois. Il sera ensuite possible
de faire découvrir quelques outils ; deux exemples :
 Dans l’écriture « 4 × … + 18 × … = 49 », 4 × … + 18 × … est un nombre pair
(la somme de deux nombres pairs est un nombre pair) ; or 49 est impair. Donc
le problème n’a pas de solution.
 Dans l’écriture « 3 × … + 15 × … = 28 », 3 × … + 15 × … est divisible par
3 ; or 28 n’est pas divisible par 3. Donc le problème n’a pas de solution.
 Lorsque des réponses sont trouvées, il est tout aussi pertinent que l’enseignant
propose des outils pour améliorer la vitesse de calcul des élèves ; un exemple :
 Dans l’écriture « 4 × … + 18 × … = 2 », il est préférable de simplifier d’abord
par 2 ; les nombres sont alors plus simples à manipuler.

3.5. Le jeu de Pénélope [2]

On part d’un nombre entier, on l’écrit sous forme de produits, un calcul par ligne :
 à chaque ligne, on a toujours une écriture du même nombre ;
 à chaque ligne, le produit doit contenir un facteur de plus qu’à la ligne
précédente ;
 tous les facteurs sont entiers ;
 le facteur 1 ne figure pas.
Quand on est sûr de ne plus pouvoir continuer, on recompose le nombre :
 à chaque ligne, le produit doit contenir un facteur de moins qu’à la ligne
précédente ;
 on ne doit pas retrouver une décomposition déjà écrite.
Exemple
20
2 × 10
2 × 2 × 5
4 × 5
20
Suggestions de niveaux :
Du cycle 2 du primaire à la fin du cycle central du collège.

3.6 Le jeu des 4 × 4 [3]

On dispose de quatre chiffres « 4 » et des quatre opérations
Trouver tous les nombres entiers qu’il est possible d’obtenir en effectuant des
opérations sur ces quatre « 4 ».
Variantes :
 Chaque opération est utilisée au maximum une fois.
 On peut utiliser des parenthèses, des radicaux, etc.
Suggestions de niveaux :
Du cycle 2 du primaire à la fin du cycle d’orientation du collège.
Remarque :
Évidemment, l’enseignant sait qu’il opère sur les nombres « 4 » et non sur les
chiffres…

Notes

[1Groupe « Résolution collaborative de problèmes », IREM de Montpellier.
michel.lacage@ac-montpellier.fr

[2d’après la brochure « De l’arithmétique au collège ? » - IREM de Lyon (2004)

[3D’après le site Ludimaths

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