Bulletin Vert n°468
janvier — février 2007

Paroles de maîtres

Deux articles du BV n°466

Dans le dernier numéro du bulletin vert (n° 466) deux articles semblent renvoyer à la parole du maître : celui de Gérard Kuntz et celui du C.R.E.M..

Le professeur se rend rarement compte comment sa parole peut enfermer l’élève dans un rôle passif. Pas facile d’être à l’écoute de chaque élève quand il y en a une trentaine en face de soi. Mais c’est aussi une attitude générale. La classe aura vite compris, dès le début de l’année, ce que le professeur privilégie : la rigueur, la créativité, le conformisme, les idées, la participation contestatrice ou au contraire la participation approbatrice. Chaque élève réagira en fonction de son caractère. Le bon élève studieux et quelque peu conformiste risque d’être perdu face à un professeur privilégiant la recherche et les idées, et inversement si je puis dire. Alors il faut arriver à varier, montrer qu’à une phase de recherche plus ou moins brouillonne doit succéder une phase de rédaction et de rigueur, qu’il n’est pas interdit de faire des conjectures, de restreindre une recherche qui semble trop difficile, mais que tout cela nécessite la connaissance de théorèmes de base qu’il faut maîtriser sur le bout des doigts.

C’est pour cela que la réflexion de Jean-Pierre Friedelmeyer à propos du texte de Gérard Kuntz n’est pas contradictoire avec l’attitude de l’auteur. Ils ne se placent tout simplement pas sur le même registre. Que le professeur d’A. n’ait pas vu les pièges de l’exercice ne me choque pas, mais bien qu’il n’ait pas saisi la balle au bond lors de l’intervention de son élève. Je ne peux que rejoindre Gérard Kuntz quand il dit que dans mon incorrigible naïveté, j’avais imaginé que l’exercice était destiné à provoquer les réactions de la classe. Je crains, pour avoir entendu cette réflexion de la part de nombreux collègues, que le programme à finir serve d’excuse pour un développement très linéaire et très lisse du cours qui ne peut que conforter les élèves dans l’idée que les mathématiques sont une science achevée et finalement un peu obsolète.

C’est une critique un peu analogue que je ferai à l’article du C.R.E.M. à propos de la construction de pavages du plan et de polyèdres. On s’attend à ce que dans un texte collectif on propose des ouvertures à la recherche et à l’inventivité en mathématiques. Or toute la difficulté pédagogique consiste à faire deviner aux élèves que pour assembler trois pentagones il faut passer du plan à l’espace. Ce changement de registre, cette rupture épistémologique sont capitaux. Malheureusement rien n’est dit dans l’article sur la réaction des élèves et il semble bien que c’est le professeur qui donne la clé : La solution consiste à passer du plan à l’espace. Où va jouer l’imagination des élèves ? Cette interprétation de l’article est renforcée un peu plus loin quand il est dit : Ils essaient alors avec 7 triangles, mais ils ne peuvent y arriver car ils se superposent ; ou encore : La construction est impossible avec 5 carrés ; et enfin : Ils essaient d’assembler quatre pentagones, mais la construction est impossible car les polygones se superposent. Car finalement, si on a compris qu’il fallait passer par l’espace, il est tout à fait possible d’assembler 7 triangles ou 5 carrés ou 4 pentagones (et même beaucoup plus) autour d’un même sommet ! Certes, il faut abandonner la convexité, mais personne n’en a parlé (ce qui est normal pour des élèves de 12 ans). A-t-on réellement proposé le travail décrit dans des classes ? Si oui, aucun élève n’aurait l’idée de montrer au professeur 4 pentagones autour d’un même sommet ! Quelle est alors sa réaction ? Noie-t-il le poisson lui aussi en disant qu’on ne s’autorise pas que les plis (les arêtes) soient dans un sens et dans un autre (une façon d’imposer la convexité sans en parler) ? Ou bien propose-t-il aux élèves de voir ce que cela donne ? Le cas de 6 carrés autour de chaque sommet est assez simple. Tous les angles (même dièdres) sont alors droits et on obtient une surface infinie limitant des galeries tubulaires à section carrée réparties régulièrement selon un damier dans les trois directions de l’espace. Construire une partie de cette surface est un vrai défi pour des élèves de 12 ou 13 ans. Mais on peut aussi regarder d’autres situations. Ces surfaces non convexes régulières présentent un tas de propriétés topologiques et métriques qui méritent d’être vues (ce sont des approximations de plans hyperboliques). Cela pourrait être un joli travail pour Maths en Jeans.

Peu ou prou, la parole du professeur reste sacrée pour ses élèves. Libérer la parole de l’élève, non pas entre eux, mais face à leur professeur n’est pas une tâche aisée. Nous devons donc être particulièrement attentifs à tout argument d’autorité. Nous n’y échapperons pas mais qu’au moins quand un élève a une idée ou une question intelligente, saisissons la balle au bond, quitte à demander à l’élève de patienter jusqu’au prochain cours pour avoir le temps d’analyser toutes les implications qu’engendre cette intervention.

Réponse de M.-F. Guissard et N. Rouche

L’article du CREM dans le Bulletin Vert 466 est extrait d’un texte beaucoup plus explicite (voir « Pour une culture mathématique accessible à tous », document diffusé non seulement par le CREM, mais aussi par l’APMEP). Dans celui-ci, on a relevé les réactions des élèves. Ils venaient de travailler des questions de pavage en liaison avec la détermination des angles de certains polygones. Pour démarrer l’activité sur les polyèdres, on leur a posé la question suivante : « Comment faire pour assembler trois pentagones réguliers ? ». Avec le matériel dont ils disposaient, ils ont relevé les pentagones et donc amorcé le dodécaèdre. On leur a demandé alors de continuer l’assemblage. Dans ce contexte, personne n’a évoqué la possibilité de construire des assemblages non convexes. L’intention de l’enseignant était d’aboutir aux cinq polyèdres platoniciens, et cet objectif a été effectivement atteint.

Les auteurs du texte en question sont toutefois d’accord avec J. Lefort pour dire que si un élève a une idée originale, et même si celle-ci sort du cadre prévu par le professeur, il est important que celui-ci accorde une attention réelle à l’intervention de l’élève.

Ajoutons que l’expérience a été faite dans une école technique et professionnelle. Et qui sait, peut-être l’idée de relever les polygones vient-elle plus naturellement à des élèves auxquels on apprend, plus qu’à d’autres, à manier intelligemment des choses.

 

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