Bulletin Vert no 461
novembre — décembre 2005

ZÉRO

par Denis Guedj.

Robert Laffont, 2005.

Prix : 20 €.

 

Denis Guedj, mathématicien de formation, enseigne l’histoire des sciences et l’épistémologie. Il a déjà publié plus d’une dizaine d’ouvrages dont Le théorème du perroquet, La Méridienne, Les Cheveux de Bérénice, L’empire des nombres, Le mètre du Monde. L’idée est toujours la même : raconter l’histoire (romancée) d’une aventure scientifique, le plus souvent mathématique. Mission impossible diront certains ! Pas pour Denis Guedj !

Zéro est son dernier roman. On pourrait le placer dans la lignée actuellement fertile du roman historique. Mais il me semblerait plus judicieux de parler de roman épistémologique. En effet l’épine dorsale du roman n’est ni un personnage, ni une civilisation ou une période historiquement marquante, mais l’évolution du concept de nombre et des problèmes liés à son écriture. L’apparition, l’invention du zéro est un des moments clés de cette évolution.

Les étapes choisies par Denis Guedj sont au nombre de quatre :

  • La Mésopotamie des Sumériens (3000 ans avant J.-C.)
    Les calculus, c’est-à-dire les cailloux et autres objets dont on se servait pour compter, deviennent des signes écrits.
  • Ur (2000 ans avant J.-C.)
    De l’écriture des mots on passe à l’écriture des sons et concurremment apparaît une première écriture des nombres à l’aide d’un nombre limité de signes (chiffres), la position de chaque chiffre dans l’écriture du nombre étant déterminante.
  • Babylone (500 ans avant J.-C.)
    La numération de position (écriture d’un nombre avec des chiffres) pour être fonctionnelle nécessite de pouvoir « marquer » d’un symbole spécifique l’absence, le vide à telle ou telle position. Ce symbole spécifique est la première apparition du zéro.
  • Bagdad au IXe siècle de notre ère
    Venant d’Inde, nos neuf chiffres 1, 2, 3, …, 9 font leur apparition. Enfin « deux » par exemple n’était plus représenté par deux « un » accolés, mais a droit à un signe spécifique « 2 » et ces signes ne sont plus simplement des lettres de l’alphabet, utilisés pour écrire les mots. Apparaît aussi à cette époque ce petit « o » pour désigner l’absence, pour distinguer 36 de 306. Tout était là : il fallait savoir marquer le vide : 36, 306, 306 084, … Le système de numération de position, avec ses dix chiffres, était au point et on pouvait écrire tous les nombres du monde et effectuer de façon aisée les quatre opérations.

Ces quatre chapitres, ces quatre grandes étapes sont encadrés par un premier chapitre qui se passe juste avant l’invasion de l’Irak par les armées américaines et anglaises et la destitution de Saddam Hussein, et un dernier chapitre qui se passe juste après cette invasion et qui prend acte du carnage humain et culturel de celle-ci. Ces deux chapitres se situent dans le contexte de fouilles archéologiques et du sac du musée de Bagdad.

Si l’unité de temps est loin d’être respectée puisqu’on circule sur une cinquantaine de siècles, l’unité de lieu est, quant à elle, très forte : nous sommes en Mésopotamie, entre les deux fleuves, entre le Tigre et l’Euphrate. C’est un des creusets de notre civilisation et c’est en particulier l’un des creusets de l’arithmétique.

L’unité du roman est renforcée par la présence d’« une » femme, Aémer, qui traverse les six chapitres sous la forme de cinq Aémer historiquement différentes, mais il s’agit toujours d’une femme séduisante, intelligente, cultivée, libre, amoureuse.

Zéro se lit d’un trait « comme un roman » et on en sort en ayant beaucoup appris sur la vie et les mathématiques.

N.D.L.R. Comme l’a montré Charles Cros, on peut écrire tous les entiers naturels avec un système de numération de position sans zéro (cf. l’article de Roger Cuppens dans le Bulletin no 434 de mai-juin 2001).

 

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