Bulletin Vert n°479
novembre — décembre 2008

Quand les maths se font discrètes

ouvrage collectif sous la direction de Benoît Rittaud

Collection Le collège de la Cité
Éditions Le Pommier/Cité des sciences et de l’industrie — Mai 2008
192 pages en 10 × 16, prix : 8,60 €, ISBN : 978-2-7465-0370-0

 

Après une brève présentation des auteurs (tous universitaires), et une introduction de Benoît Rittaud, l’ouvrage comprend quatre textes, issus d’une série de conférences données à la Cité des sciences et de l’industrie du 13 mai au 3 juin 2008 : Les suites d’entiers (Jean-Christophe Novelli) ; Codage numérique de l’image (Élise Janvresse et Thierry de la Rue) ; Les suites de Fibonacci aléatoires (Benoît Rittaud) ; L’ubiquité de la suite de Morse (Emmanuel Lesigne).

Dans l’Introduction, B. Rittaud présente les mathématiques discrètes comme une branche récemment développée des mathématiques, puisque jusqu’à la fin du XIXe siècle elles se réduisaient à l’arithmétique et la combinatoire. Elles sont aujourd’hui impliquées dans la théorie des graphes, la logique formelle, la théorie des nombres, la géométrie hyperbolique, la théorie de l’information, les systèmes dynamiques, … Les quatre textes suivants en présentent différents aspects.

Dans Les suites d’entiers, J.-C. Novelli traite de problèmes de dénombrement, à travers trois exemples : $A(n)$ = nombre des ancêtres d’un individu, à la $n$-ième génération ; $H(n)$ = nombre de mouvements nécessaires pour résoudre le problème des tours de Hanoï à $n$ disques ; $B(n)$ = nombre d’arbres binaires à $n$ sommets. Il introduit l’outil « série génératrice » ; ses explications, généralement très claires et complètes, peuvent ici perturber à cause d’un abus de notation : la même lettre désigne la suite et $B(x) = B(0) + x × B(1) + x^{2} × B(2) + … $ (à noter qu’il évite la notation synthétique…) ; un développement en série entière de $B(x)$ permet de retrouver les termes de la suite. Le texte est complété par une présentation d’un site où sont recensées plus de 100 000 suites, permettant souvent d’identifier une suite à partir de ses premiers termes, et par un exemple illustrant la démarche typique du « combinatoriste ».

Ce texte, rigoureux, précis, et non dénué d’humour, ne suffit certes pas à donner une image des maths discrètes dans leur ensemble, mais fait pénétrer dans un de leurs domaines particuliers.

Dans Codage numérique de l’image, E. Janvresse et Th. de la Rue sont au plus près des applications directes des mathématiques dans les techniques modernes. Évacuant rapidement les images vectorielles, ils présentent différents types de codage des images matricielles (RGB, HSI, …), et différentes méthodes de compression (JPEG en particulier). Les notions qui jouent un rôle ici sont les arbres, les matrices, mais aussi la géométrie (chaque couleur représentée comme un point d’un cube dont les couleurs primaires sont des sommets). Un bon exemple de réponse à la sempiternelle question « les maths, à quoi ça sert ? ».

Dans Les suites de Fibonacci aléatoires, B. Rittaud montre comment, à partir de problèmes posés par les systèmes dynamiques, la construction de modèles amène à la création d’objets mathématiques nouveaux. Fibonacci a inventé sa suite à partir de l’évolution (très schématisée) d’une population de lapins ; l’introduction d’une part de hasard dans leur fécondité amène les suites de Fibonacci aléatoires, qui ne se prétendent pas davantage fidèles à la réalité, mais ne manquent pas d’intérêt et de fertilité mathématiques : un arbre binaire les représente toutes ; « presque toutes » ont un même « facteur de croissance limite », qui n’est pas égal au nombre d’or, facteur de croissance limite de la suite de Fibonacci classique, ni à leur facteur de croissance limite moyen ; ce dernier se calcule en résolvant une équation du troisième degré : la démonstration, par « élagage d’un arbre », est passionnante. Au passage le texte signale l’interconnexion de ces recherches avec la théorie des fractales, l’arithmétique, la théorie des nombres, les fractions continues, …

Un texte riche, qui montre les maths discrètes comme un trait d’union entre les mathématiques appliquées et les mathématiques pures, et fait également découvrir certaines techniques qui leur sont propres.

Enfin E. Lesigne nous fait découvrir L’ubiquité de la suite de Morse. Titre bien choisi puisque cette même suite fut découverte à quatre époques différentes (de 1851 à 1921), par quatre chercheurs différents (Prouhet, Thue, Euwe, Morse), dans quatre domaines différents (arithmétique, combinatoire, jeu d’échecs, géométrie et chaos), qu’elle se construit ou définit par (au moins) quatre méthodes ou formules, et que pourtant il s’agit bien d’une seule et même suite. Incontestablement il y a de quoi en faire un objet d’étude, d’autant plus qu’elle est simple à concevoir : une suite de 1 et de 0 telle que : $S(0) = 0$, $S(2n) = S(n)$ et $S(2n + 1) = 1 − S(n)$, et qu’elle possède de nombreuses et curieuses propriétés concernant entre autres les fréquences de certains « mots », l’absence de tout « cube » (mot répété trois fois). Un objet fascinant, un texte passionnant, même si beaucoup de propriétés sont données sans démonstration ni indication sur la méthode.

Cette absence partielle de démonstrations, jointe au parti-pris d’éviter tout symbole un peu compliqué, souligne qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation. Mais vulgarisation au sens noble du terme, sans concession, sans perte de rigueur, n’ayant pour but que de mettre à la portée du plus grand nombre les découvertes les plus récentes.

Un livre bien fait, qui contribuera à la culture mathématique de ses lecteurs.

 

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