Une loi en fausse perspective

Les ambitions de l’école de demain appartiennent à la société ; c’est le rôle des législateurs d’en définir les
objectifs. L’école de demain doit mettre en œuvre les outils pour créer la société que nous voulons pour demain.
Il est prévu, du 15 au 17 février au Parlement et du 22 au 24 mars au Sénat, l’examen en première lecture de la
loi d’orientation sur l’école.

C’est-à-dire que nous arrivons au terme du débat sur l’avenir de l’école amorcé le 15 septembre 2003 par
l’installation de la commission Thélot. Il n’est pas inutile de faire un petit récapitulatif des évènements qui se
sont déroulés entre ces deux dates et de les mettre en perspective.

Nous allons essayer de voir qu’il ne s’agit pas de n’importe quel type de perspective, mais d’une perspective
anamorphotique. Regardons la définition de l’anamorphose qu’offre le petit Larousse : « image déformée d’un
objet donnée par certains systèmes optiques (miroirs courbes, notamment). Beaux-arts : représentation
volontairement déformée d’un objet, dont l’apparence réelle ne peut être distinguée qu’en regardant l’image
sous un angle particulier ou au moyen d’un miroir courbe ». Une autre définition, géométrique cette fois, serait :
l’anamorphose est un cas particulier de perspective géométrique qui construit une image projetée sur un plan
oblique de telle sorte qu’elle demeure inintelligible ou bien simule une image différente, en raison des fortes
aberrations marginales, si on ne la regarde pas du point de vue excentrique adopté pour la projection. Dès le
XVIème siècle, l’anamorphose est considérée comme un procédé perspectif extrême, de nature exploratoire qui
tout en requérant une rigueur géométrique absolue, met en question l’idée de repère.

Pour créer une anamorphose, il faut donc une image, un miroir courbe et un point de vue excentrique adapté.
L’image voulue, nous l’avons, c’est celle d’une école garante d’un avenir meilleur pour ses usagers ; nous avons
aussi le miroir courbe, puisque la commission Thélot a remis au Gouvernement le 6 avril 2004 le miroir du
débat ; et, le point de vue adopté pour la projection, nous l’avons également dans chacune des paroles de notre
Ministre.

Plus d’un million de participants se sont exprimés. Les comptes rendus des réunions, l’ensemble des courriers et
les messages parvenus par l’intermédiaire du site Internet dédié au débat national ont été ensuite analysés et
synthétisés dans un ouvrage, Le Miroir du débat.

Première mise en garde sur le site du débat national : Le miroir n’est pas l’expression de la pensée de la
Commission, mais a l’ambition de refléter les propos qui se sont tenus durant ces six mois. Et, il n’est dit nulle
part que la commission s’appuiera sur l’opinion des Français sur leur école pour élaborer son rapport. Il nous
manquait l’image déformée avant sa mise en perspective ; maintenant nous l’avons : les propos des Français qui
se sont exprimés en croyant réellement apporter leur pierre à l’édifice.

L’effet de miroir destiné à conjurer la certitude par la figuration d’une échappée en fausse perspective, révèle la
nécessité préalable d’opacifier sensiblement le reflet pour mettre en scène le simulacre codé d’une vision
transcendante qui, à défaut d’éclairer la conscience, l’accapare et la neutralise. Le miroir qui nous est offert à la
contemplation a pour fonction de simuler la vision d’un au-delà dont la nature rédemptrice, une meilleure école
pour demain, ne sert qu’à occulter la dépravation de la forme liée au processus anamorphotique, la mise en scène
protocolaire voulant faire croire que ce que nous voulons, nous le peuple dans sa définition technocratique, nous
l’obtiendrons ! « L’attente des parents est forte, il est temps d’y faire droit » pouvait-on lire dans le monde du
16/12/04 ; alors que le CSE le même jour a rejeté très majoritairement le projet de loi.

Le gouvernement a cherché à nous intégrer dans l’espace de la théâtralité optique sur le mode de la séduction
lorsqu’il nous a présenté son projet. Comment aurions-nous pu ne pas être séduits par les hauts objectifs
inhérents à la définition d’une nouvelle loi d’orientation ?

Mais, au bout du compte, personne n’est dupe de cette illusion d’optique, notre Ministre fait semblant de
réformer en retouchant un peu le baccalauréat, le brevet, quelques contenus et c’est tout...

Par contre, le point d’orgue de la réforme se situe plus à un niveau managérial en demandant à l’Education
Nationale de passer à une obligation de résultats ; à croire que le souci de chacun des acteurs de l’école n’a
jamais été d’amener le maximum d’élèves au niveau le plus élevé de leurs possibilités ! François Fillon, le 13
janvier dernier, lors du chat sur le monde.fr, affirmait : « Pour améliorer la gestion et l’organisation de
l’Education Nationale, il importe de se fixer des objectifs et de vérifier régulièrement s’ils sont atteints. Nous
nous sommes par exemple fixés l’objectif de transmettre à tous les élèves un socle commun de connaissances et
de compétences fondamentales. C’est une obligation de résultat que la nation fixe à l’Education Nationale ».
Quid du paradoxe : la loi ne prévoit rien concernant le non-respect des objectifs et ne fixe pas les moyens pour
les atteindre. En clair, voici les objectifs : maintenant débrouillez-vous pour les atteindre !!

Peut-être le gouvernement deviendra-t-il maître dans l’art de l’anamorphose et nous illusionnera-t-il à nouveau
lors de la présentation des résultats ?

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